lundi 15 juin 2009


Malaïkas, le phénix du XIIIe arrondissement

      Née dans les cendres des incendies qui se sont succédés à Paris durant l’été 2005 et qui ont fait de nombreuses victimes, l’association Malaïkas œuvre afin que de telles tragédies ne se reproduisent plus. 





Le phénix est un être ancestral qui renaît de ses cendres après avoir été consumé par le feu. Malaïkas naît parmi d’autres cendres, celles d’un incendie aux tisons encore ardents. Le phénix, oiseau fabuleux et sacré des mythologies d’Europe et d’Asie, aux couleurs chatoyantes et au vol gracieux, incarne pour les hommes le mythe de la mort et de la résurrection. Malaïkas, qui signifie anges en arabe littéraire, incarne une volonté de renaissance et de vie qui est bien réelle. Car si le phénix n’existe que dans l’imagination des enfants et des poètes, Malaïkas est un être tangible qui vit et opère au cœur de Paris, et qui est né d’une des plus profondes blessures de la capitale.

C’est la nuit du 25 août 2005. Au 20 Boulevard Auriol, dans le XIIIe arrondissement, se dresse un bâtiment délabré et insalubre. À l’intérieur, dorment cent trente personnes, beaucoup d’entre d’elles sont des enfants, presque toutes sont d’origine africaine. C’est alors qu’un incendie se déclare dans la cage de l’escalier. Les flammes, attirées par un appel d’air, montent vers les étages. En effet, les locataires ont ouvert portes et fenêtres dans l’espoir de ne pas succomber à la fumée. Le feu se propage alors rapidement et s’en prend aux habitants. Quand les pompiers parviennent enfin à maîtriser l’incendie, le bilan est lourd : 17 victimes, dont 14 enfants. C’est de ces cendres encore chaudes que Malaïkas voit le jour.

Avant d’être relogées, les familles du Boulevard Auriol passent une semaine entière dans un gymnase mis à disposition par la Mairie du XIIIe arrondissement. Alors que dehors la polémique sur les conditions misérables des logements sociaux fait rage, à l’intérieur le deuil des victimes paraît insurmontable. Mais la solidarité entre les survivants les rend forts. Ils se sentent oubliés par la société civile et par les autorités, mais entourés par leurs proches et leurs amis. Les mots de Wahabou Jammeh, jeune président de Malaïkas et ancien résident du bâtiment incendié du Boulevard Auriol, portent encore les marques de ces jours noirs : 

 

« On était furieux, déçus, on ne pouvait pas y croire. Ça aurait pu mal tourner très facilement, on aurait pu se pencher du mauvais coté de la balance et défouler notre rage dans la casse et dans la violence. Il nous restait soit ça, soit ce qu’on a effectivement fait. »

 

Par la parole et l’échange, les fondateurs de l’association Malaïkas parviennent à maîtriser la colère et  la rancune qui auraient pu les ronger et les achever. Ils y puisent au contraire une énergie nouvelle.

Les premières réunions, qui se déroulent dans le camp de réfugiés improvisé en plein milieu de Paris que constitue le gymnase, partent d’une considération très simple. Ce qui a emporté leurs proches, ainsi que les nombreuses autres victimes des incendies de l’été 2005, n’était pas tant le feu, mais plutôt leur incapacité à faire face à l’urgence et le manque d’équipement de sécurité. Wahabou est amer :

 

« Si les enfants, ainsi que leurs parents, avaient su qu’en cas d’incendie il ne faut jamais ouvrir portes et fenêtres ni essayer de quitter les lieux, mais plutôt d’empêcher l’air chaud de circuler en bouchant tout accès avec des chiffons mouillés, le bilan aurait été différent. Si la cage avait été pourvue de détecteurs de fumée et chaque appartement équipé d’extincteurs, le feu aurait probablement pu être étouffé dans l’œuf. »

 

Des « si » que le jeune homme a vite concrétisé avec l’aide d’une équipe soudée et débordante de vie. Depuis octobre 2005, juste deux mois après l’incendie, les bénévoles de Malaïkas ont entrepris 24 opérations d’équipement de bâtiments dans les arrondissements du nord et de l’est de Paris. Ces interventions arrivent parfois à mobiliser jusqu’à 40 personnes en plus du noyau des sept fondateurs. Ils poursuivent deux buts principaux : équiper et former. D’abord ils installent des dispositifs anti-incendie dans les appartements, ensuite ils organisent des formations pour apprendre aux locataires comment les utiliser, « les bons gestes » à tenir en cas de danger. Comment empêcher le feu de se propager, comment se placer par rapport aux flammes, là où se trouve l’air respirable, comment appeler les pompiers sans paniquer et leur donner toutes les coordonnées nécessaires à l’intervention : voilà ce qu’ils expliquent simplement aux adultes aussi bien qu’aux enfants, en employant le langage le plus conforme à leur interlocuteur.

L’association est née d’un groupe de jeunes à l’esprit entreprenant et à l’imagination fertile, qui savent très bien comment rassembler les fonds pour financer leurs projets. Bien que supportés par des dons privés de particuliers et d’entreprises et surtout par des subventions départementales, les bénévoles de Malaïkas organisent aussi de véritables opérations de financement et de médiatisation. Ces événements sont souvent parrainés par les personnalités du monde sportif et de la musique. Un exemple parmi tant d’autres : le « Basket France Contest », une performance mêlant basket, danse et musique hip-hop, présentée en novembre 2008 en collaboration avec la Fédération Française de Basket-ball.

 

Malaïkas rend hommage par son nom aux jeunes victimes de l’incendie d’où elle est surgie. Par son action, elle s’engage à ce que d’autres ne les rejoignent pas et que le feu soit maîtrisé  là où l’ignorance et la pénurie de moyens en font un ennemi bien plus dangereux. Dans un futur proche, ces bénévoles comptent franchir le périphérique et étendre leur champ d’action à quelques communes de l’Ile de France encore à définir. Mais leur but à long terme est de couvrir tout l’Hexagone et d’y développer un réseau pouvant opérer n’importe où, n’importe quand, pour qu’aucune vie n’échappe à leur vigilance. Ce qu’ils ont bâti sur les cendres du Boulevard Auriol, ce qui est né en partie de la mort, deviendra alors un souffle vital, sous le regard bienveillant des Malaïkas, les éternels anges gardiens de l’association.

 

Emanuele Marzari

 

 

 

mercredi 10 juin 2009

Lutter contre les discriminations ethniques et territoriales à l'embauche.


Le 5 juin dernier, PARI BANLIEUES a convié chercheurs, professionnels et étudiants a discuté des discriminations ethniques et territoriales à l'embauche. Avec Edmond Preteceille, sociologue et directeur de recherche à l’OSC/CNRS, Jérôme Dubus, Délégué Général du MEDEF ILE-DE-FRANCE, et Stéphane Gatignon, maire de la ville de Sevran en Seine St-Denis, nous avons tenté de comprendre le phénomène pour envisager des solutions. Les interventions furent précédées de la diffusion du court-métragé Ma poubelle géante réalisé par l'association 1000 Visages.

Edmond Preteceille, sociologue et directeur de recherche à l'OSC/CNRS:

--> Donne le point de vue des chercheurs sur la question: la discrimination à l'embauche est officiellement reconnue mais on n'en a pas une idée très claire.


Les seules techniques permettant de démontrer l'existence de discriminations sont ponctuelles: témoignages individuels, passages en justice, techniques d’enquêtes-actions (testing).
è Il n'existe pas d’instruments de mesure pour les repérer systématiquement.


Les discriminations sont liées aux caractéristiques sociales et scolaires, il est donc difficile d'identifier le type de discrimination dont sont victimes les jeunes issus de l'immigration.
Caractériser les discriminations ethniques suppose de caractériser les victimes de celles-ci.
==> Il est alors nécessaire d'aborder la question des « statistiques ethniques ».


Mais même avec les statistiques ethniques, l’identification de ces caractéristiques reste compliquée :
1/ les caractéristiques objectives des personnes sont insuffisamment présentes dans les enquêtes: il est par exemple difficile de « repérer » les personnes de 2nd génération. On pourrait le faire si on intégrait des questions sur l’origine des parents, cela commence à être introduit dans les enquêtes mais c'est encore peu répandu.
2/ la caractéristique imputée à la personne (ex: l’appréciation de la couleur de peau) est en général une construction sociale, donc non-objective et difficile à évaluer.


On sait également qu'il existe des discriminations territoriales à il y a des "mauvaises adresses". Mais l'ampleur reste difficile à mesurer. En France, peu d'enquêtes systématiques permettent de répondre à la question.

CCL: Les discriminations ethniques et territoriales existent, mais sont difficile à mesurer, tant sur le plan théorique que pratique. Or sans instruments de mesure, il est difficile de lutter efficacement.


Jerôme Dubus, directeur général du MEDEF ILE DE FRANCE:


--> Dresse un portrait plutôt positif des efforts mis en place par les entreprises pour lutter contre les discriminations et des possibilités qui s'offrent aux jeunes.


1. Il existe des obligations légales: la discrimination à l'embauche est parfaitement interdite (c.f. code du travail). La Halde est un organisme public chargé de repérer et de sanctionner les pratiques discriminatoires.

2. De nombreuses possibilités s’offrent aux jeunes:
- Le remplacement des baby boomers à la retraite (vaut pour les postes de salariés mais également pour les postes à responsabilité).
- l'ouverture de nouveaux secteurs, notamment tertiaires, aux personnes d'une certaine origine.
1er facteur d’intégration : l’intégration professionnelle. Pour Jérôme Dubus, l’entreprise dans son ensemble (moins vrai dans les PME) a fait beaucoup d’efforts pour prendre en compte cette responsabilité citoyenne.


Il Reste aujourd’hui des discriminations contre lesquelles il est beaucoup plus difficile de lutter : l’emploi des séniors (taux d’employabilité des séniors en France le plus bas d’Europe), les employés handicapés, les inégalités homme / femme.
D'après la Halde : la discrimination ethnique concerne 26% des cas, alors que 23% des cas sont liés à un handicap physique.

==> Que fait le Medef face à cela ?

- mise en place d'un plan d’insertion des seniors à il y aura des sanctions s’il n’est pas appliqué.
- en 2006, accord inter-professionnel sur la diversité dans l’entreprise à vise à lutter contre la discrimination à l’embauche et à garantir la diversité.
- dernièrement, 2000 grandes entreprises ont signé un nouvel accord venant renforcé le premier.
- Dispositif nos quartiers ont des talents : coacher les jeunes et leur ouvrir des portes: chef d’entreprise qui parraine un jeune, l’accompagne jusqu’à la signature d’un contrat et permet au jeune d’avoir un carnet d’adresse è tres bon résultats, 300 à 400 jeunes bar + 4-5 placés par an.

NB: Ces dispositifs sont plus facilement mis en œuvre dans les grosses entreprises, mais la crise actuelle ralentie le processus.


- initiative "pas de jeune sans métier, pas de métier sans jeune", s’adresse aux jeunes pas ou peu formés et les aide à trouver des postes en alternance, en CDD ou en CDI. A permis de placer 2500 jeunes dans les entreprises en un an, en association avec le Pôle emploi. Pour Jérôme Dubus, c'est un véritable succès. Sur les 2500 jeunes placés, 500 étaient issus des quartiers sensibles.


Ces expériences sont intéressantes car elles ont permis de mettre en évidence les carences existants des deux côtés (employeur et employé). Pour les Bac +4-5, cela se passe très bien. Mais pour les non ou peu formés, l'insertion dans l’entreprise est en général très difficile (conflit, discipline peu respectée, etc.).


CCL: Malgré la crise, on serait plutôt sur la bonne voie. Des efforts ont été faits de part et d’autre. Il reste un bastion qui est sourd à tout cela, c’est la fonction publique à Il y a encore un verrou à faire sauter.


Stéphane Gatignon, maire de Sevran (93):


--> La question des discriminations est pour lui une question très politique liée à l'augmentation des inégalités, notamment en Ile de France.

Il existe des discriminations ethniques (pourquoi est-ce qu'un jeune d'origine immigrée bac +5 ne trouve pas de boulot?), et géographiques (on ne met pas son adresse sur son CV quand on habite un quartier "chaud").


Dans certains quartiers, le taux de chômage parmis les jeunes atteind 30 à 45% à quasi situation de tiers monde. Situation due à la discrimination mais également à l'asymétrie d'information, aux problèmes d'orientation et de formation. En effet, aujourd'hui dans ces quartiers, le coût des études est un problème.


Pour ce qui est des discriminations ethniques, une véritable révolution culturelle doit avoir lieu. Aujourd’hui, sans une vision de la société qui encadre et qui dise que la diversité et la « culture commune » sont des éléments fondamentaux, comment trouver le moyen de faire que chacun puisse enrichir les autres grâce à son identité particulière?


La discrimination est également liée aux problèmes de transports et à l'a ghettoïsation qui s'accroît. La mégalopole parisienne est un des endroits les plus ségrégé d'Europe. Il faut repenser l'organisation urbaine. Le Grand Paris peut apporter des solutions, mais Mr Gatignon reste inquiet pour le Pôle Sarcelles-Villiers le Belle. Laissé à l'abandon, il craint qu'il ne devienne un autre "banlieue 13".


La révolution écologique peut apporter quelques solutions car elle va créer des emplois.

dimanche 24 mai 2009

Un dimanche matin au marché de St-Denis.

Fin mars, élèves de Sciences-po et du lycée Blaise Cendrars de Sevran se retrouvent au marché de St-Denis pour une deuxième sortie photos. Réveil difficile en ce dimanche matin. Encore engourdis par le sommeil, ils partent en quête des plus beaux clichés.






(en cours) Rencontre avec les Retraités de la Maison des Glycines










samedi 23 mai 2009

Jeunes filles de cité: comment vivent-elles leur féminité?

Rapport sur la conférence tenue le Jeudi 14 mai 2009
Environ 60 personnes présentes, 5 intervenants : Isabelle Clair, Planning Familial (Anne Marie Viossat), Didier Lapeyronie, NPNS (Bouchera Azzouz et la responsable de la région val de marne).


Chaque intervenant a été invité à présenter en 20 minutes ses observations sur l’identité féminine en banlieue. Voici le compte rendu de leurs interventions :

DIDIER LAPEYRONIE

D’après les études qu’il a pu mener, Didier Lapeyronie a abouti à quelques observations concernant l’identité féminine dans les banlieues.
D’abord il y a une escalade de la tension et une dégradation des relations garçons filles.
La problématique de l’identité féminine est à mettre en relation avec les problèmes de pauvreté (l’appauvrissement dans les cités est une situation inquiétante) et de racisme (Il y a une interconnexion entre le « sexe de la femme » et la « race de l’homme »).

Les cités s’appauvrissent :
Quand les gens s’appauvrissent, ils se replient sur des rôles familiers plus strictes (ce que doit être un père, une mère, un fils, une fille, etc). Il est notamment frappant de voir que les jeunes de cité interrogés sur leur avenir se définiront en tant que futurs « pères » ou « mères » et non pas comme futurs employés travaillant dans telle entreprise ou comme appartenant à telle classe sociale.
Les cités se transforment de plus en plus en « villages urbains » avec de nouvelles règles, un sous système politique (Imam, Dealer, etc). Se construit une véritable contre société. L’interconnaissance y est très forte (rendez-vous dans les cages d’escalier, logique d’embrouille, tout le monde sait tout de tout le monde, etc). Tous les individus se connaissent ce qui les protège et ce qui les handicape également à l’extérieur de la cité.

La question du racisme :
Le racisme comporte une dimension sexuelle forte. Le racisme a toujours consisté à émanciper les femmes de la violence sexuelle supposée de leurs hommes.
A l’entrée des boîtes de nuit les hommes ne rentrent pas, alors que les filles ont moins de problèmes. On empêche les garçons d’entrer dans un lieu d’échange sexuel. Ce qui est vécu comme une humiliation et une castration (« mon sexe d’arabe ne peut pas entrer dans cet espace là »).
La féminité dans ce sens protège du racisme. L’identité ethnique devient un atout de séduction (le « charme oriental »). Ce qui n’est pas le cas pour un homme.

Mais ce qui est féminité devient un handicap à l’intérieur de la cité.
Cette émancipation est vécue comme une humiliation. A cela s’ajoute la peur de la trahison (par rapport à leur identité masculine et par rapport au groupe ethnique).
La logique de la Cité va tenter de séparer les femmes de leur féminité (maquillage, jupes deviennent insupportables).

On va alors vivre la sexualité « à l’extérieur » de la Cité (à travers le porno, ou dans les bordels). Il va être tacitement interdit de parler des relations amoureuses à l’intérieur de la Cité.
Il y a une distinction qui se fait entre : la femme-putain blanchisée et celle qu’on respecte et qui vient d’ailleurs (à entendre : d’un autre pays que la France).
Dans un tel contexte, les femmes souffrent de leur désexualisation. Ce qui les rend d’une certaine manière plus intelligente. Elles vont chercher à mettre la sexualité et les relations amoureuses au service de la construction de leur identité (à travers elles se reconstruit l’image de l’homme, différente de celui du garçon de la Cité).

A cela il faudra noter la violence des femmes faites aux femmes : les mères qui demandent aux pères de ramener leur fille sur le « droit chemin ».
En réaction, les filles organisent leur sexualité à l’extérieur de la cité si cela est possible. En ce sens elles acquièrent une capacité d’action beaucoup plus forte que celle des hommes (qui ont une moins grande capacité de réflexivité).

ISABELLE CLAIR

L’intervention repose sur une étude qu’Isabelle Claire a effectuée par entretiens ethnographiques (Dans 4 cités de la Banlieue parisienne). Il s’agit d’entretiens en face à face complétés d’observations de leur vie au quotidien dans leur cité.

Ce travail est en lien avec la problématique des relations amoureuses (hétérosexuelles).

Une question très précise est apparue comme très représentative des relations entre les sexes : l’attribution de mauvaise réputation des filles. C’est à partir de cette réflexion que l’intervention d’Isabelle Clair va s’articuler.

Cette question aborde notamment la question plus large de la domination masculine.
Ce qu’il faut savoir concernant « la Cité » : l’interconnaissance est un phénomène très important d’où le fait que la réputation devient un élément dominant. Ainsi, la question de savoir « qui est une pute » et qui est « une fille bien » est un point clef. Petite précision : quand une fille « a une réputation », cela signifie « une réputation de pute » bien sûr.

Il y a un accord collectif sur ce que veut dire une telle étiquette (« pute »). Il faut voir ce qu’il se trouve derrière cette problématique: Les femmes sont là pour réguler la sexualité des hommes et elles ne sont jamais à la hauteur (c’est aussi pour cela qu’il doit toujours y avoir un homme pour la surveiller). La femme ne doit pas être sexuelle et quand elle l’est cela pose problème. Si elle est sexuelle elle prouve qu’elle est bien la pute que l’on pensait.

Derrière la problématique de « mauvaise réputation » il y a trois points à prendre en compte !


• La Mobilité : Une fille mobile, « qui bouge » : c’est une fille qui cherche (femme qui a une visée sexuelle). Les « filles qui traînent » ont été appelées « traînées ». Sa mobilité physique prouve qu’elle est une pute. Il faut donc la rappeler à l’ordre (en l’insultant, en la catégorisant « pute », etc).


• La tenue vestimentaire : il faut s’habiller comme ci, pas comme ça. Etc.


• La réserve relationnelle : une fille qui parle aux garçons, ou non > joue un rôle dans l’attribution de réputation. Ce qui est compliqué c’est que toutes les filles ne sont pas ramenées à l’ordre de la même manière. Il y a énormément de facteurs qui rentrent en jeu.

Qu’est ce qui fait les vrais ressorts de l’étiquetage ?

1. Ce sont des filles : qu’elles se comportent de telle ou telle manière, qu’elles parlent ou non aux garçons > il y a toujours des soupçons du simple fait qu’elles sont filles.


Il y a un type spécifique de fille, les « Filles bonhommes » (aux attributs masculins). Ni fille soumise, ni fille à « l’européenne ». Elles veulent sortir du piège de la virilité. Ce qui se traduit dans leur façon de s’habiller, de se parler, d’être. Les filles peuvent jouer cette carte là pour sortir de ce jeu des sexes. Un garçon par contre ne se féminisera pas (les garçons de cité sont souvent crispés sur leur virilité).

2. Avoir un grand frère ou pas : très présent dans le discours sur la sexualité (et son contrôle).


Le « grand frère » c’est un rôle. Un cousin ou un oncle peut devenir un « grand frère ». Le fait de ne pas être une « petite sœur » peut poser problème. Pas de grand frère signifie qu’une fille est disponible sexuellement. Le taux de virilité du grand frère est à mettre en relation avec le taux de vertu de la petite sœur. Exemple de Zara, une « petite sœur ». Si son frère a décidé qu’elle n’était pas une salope, elle ne l’est pas. C’est lui qui décrète son « statut ». Il existe, parallèlement à ce « décret » une surveillance par les autres garçons et les autres filles que le grand frère joue bien son rôle (si petite sœur pas vertueuse : amoindrit la virilité du grand frère).

3. Appartenance communautaire


Hiérarchisation à travers la couleur de peau (// articulation avec le sexe). Isabelle Clair explique que cette notion est assez difficile à cerner. Elle a en tout cas perçu que l’appartenance communautaire jouait un rôle dans l’attribution de réputation.

NI PUTES NI SOUMISES :

Surtout vision de « terrain »

> Responsable NPNS Val de marne
Elle s’occupe notamment de la gestion d’appartements relai pour accueillir les jeunes filles victimes de mariage forcé.
Les trois sphères à prendre en compte concernant l’identité / les problématiques de la femme en Cité :

1. Espace privé et familial (tradition, coutume, repère religieux) > adaptation, autocensure

2. Code à l’école. Il faut prendre en compte le fait que si on ne propose pas d’activités pour les filles, si il n’y a pas d’animatrice dans les centres de loisirs (culturels, etc.), il n’y aura pas de filles dans les lieux de vie de quartier.
Elle nous a fait part du besoin des filles d’espaces sécurisés.
A noter : Les codes varient d’un quartier à l’autre. Les filles peuvent jouer avec cet élément > Elles côtoient des garçons d’autres cités. Comme ils ne connaissent pas les mêmes personnes il y a moins de pression. En fait les relations avec les garçons de leur propre quartier sont, en comparaison, plus difficiles.

3. L’espace intime : il existe un tabou sur la sexualité. Même si on peut observer que les jeunes ont des rapports assez tôt et assez libres, la sexualité reste quand même un tabou. La thématique de la culpabilité est assez forte. Le thème du mariage forcé est aussi une question importante.

>Bouchera Azzouz

La question centrale dans le quartier c’est « à qui appartient le sexe des femmes ».
Chez NPNS, le combat c’est de lutter contre cette ségrégation.
Appartenir à l’association « NPNS », c’est difficile à porter pour une femme d’origine arabo-musulmane.
Pour sortir de ces codes : on sort du ghetto.

3 axes clefs pour NPNS: mixité, égalité, laïcité.

En ce qui concerne la laïcité, NPNS considère que l’Ecole est le dernier rempart dans le quartier où les codes qui régulent les relations filles / garçons tendent à échapper quelque peu aux codes de la cité.
Le religieux est venu s’installer en banlieue. En fait les codes du « ghetto » correspondaient bien à ce que certain extrémisme religieux pouvait proposer : institutionnalisation de la ségrégation des sexes (répond à une organisation qui est déjà largement présente comme on a pu le voir). C’est dans ce contexte que se pose la question du voile.

La question du respect est aussi un point clef de leur combat. A cet effet un « guide du respect » a été édité et NPNS organise des interventions en milieu scolaire.
Les drames des viols collectifs sont aussi une de leur priorité. NPNS veulent mettre l’accent sur le fait qu’il s’agit d’évènements constants et réguliers. Ce ne sont pas des épiphénomènes. C’est une réalité en France. Il est donc besoin de campagnes de sensibilisation mais aussi de dispositifs qui permettraient de sortir de ces logiques de violence.

NPNS rappelle que l’endroit le plus dangereux pour une fille c’est sa cellule familiale. Même si c’est un fait choquant, la menace est bien réelle. Il faut donc la prendre en compte.
Les violences conjugales sont des problématiques sur lesquelles travaillent NPNS. Elles aident les jeunes femmes à sortir de la spirale de la violence (étant donné qu’à l’heure actuelle peu d’aides leurs sont fournies pour s’en sortir toute seule).

ANNE MARIE VIOSSAT (MFPF)

MFPF fait surtout un travail d’information sur : la contraception et le corps en général. Il existe également des groupes de paroles (sur divers sujets et en fonction des demandes : VIH, relation garçon-fille, homosexualité, corps). MFPF organise également des interventions dans les établissements scolaires.
Chez MFPF on reçoit différents « types » de jeunes filles:

- Des jeunes filles résistantes au machisme ayant une certaine joie de vivre et qui viennent parfois pour rechercher une contraception

- Des jeunes filles beaucoup moins joyeuses où, quand il s’agit d’une recherche de contraception, arrivent à MFPF après avoir subi des violences. Le but de MFPF est d’aider ces jeunes filles même si il est très difficile pour celles-ci d’exprimer leur souffrance. On cherche principalement à accompagner cette parole.

Focus sur L’expérience de MFPF dans les établissements scolaires :
La parole se libère plus ou moins bien en fonction des classes. Si les questions ne viennent pas facilement, on utilise la technique des papiers anonymes (les élèves posent leurs questions anonymement et MFPF y répond ensuite).


Les questions posées tournent autour de grands sujets: la santé et le corps humain, la contraception, l’IVG, le mariage forcé (avec un besoin d’information sur la loi – qu’est-ce que les filles ont le droit de faire devant une telle situation), les mutilations sexuelles (questions qui ne viennent presque jamais de la part des jeunes filles mais plutôt des garçons qui connaissent des femmes autour d’eux ayant subi ce genre de mutilation), et sur les violences domestiques.

Les interventions ont été suivies de nombreuses questions de la part du public.

mardi 10 février 2009