dimanche 24 mai 2009

Un dimanche matin au marché de St-Denis.

Fin mars, élèves de Sciences-po et du lycée Blaise Cendrars de Sevran se retrouvent au marché de St-Denis pour une deuxième sortie photos. Réveil difficile en ce dimanche matin. Encore engourdis par le sommeil, ils partent en quête des plus beaux clichés.






(en cours) Rencontre avec les Retraités de la Maison des Glycines










samedi 23 mai 2009

Jeunes filles de cité: comment vivent-elles leur féminité?

Rapport sur la conférence tenue le Jeudi 14 mai 2009
Environ 60 personnes présentes, 5 intervenants : Isabelle Clair, Planning Familial (Anne Marie Viossat), Didier Lapeyronie, NPNS (Bouchera Azzouz et la responsable de la région val de marne).


Chaque intervenant a été invité à présenter en 20 minutes ses observations sur l’identité féminine en banlieue. Voici le compte rendu de leurs interventions :

DIDIER LAPEYRONIE

D’après les études qu’il a pu mener, Didier Lapeyronie a abouti à quelques observations concernant l’identité féminine dans les banlieues.
D’abord il y a une escalade de la tension et une dégradation des relations garçons filles.
La problématique de l’identité féminine est à mettre en relation avec les problèmes de pauvreté (l’appauvrissement dans les cités est une situation inquiétante) et de racisme (Il y a une interconnexion entre le « sexe de la femme » et la « race de l’homme »).

Les cités s’appauvrissent :
Quand les gens s’appauvrissent, ils se replient sur des rôles familiers plus strictes (ce que doit être un père, une mère, un fils, une fille, etc). Il est notamment frappant de voir que les jeunes de cité interrogés sur leur avenir se définiront en tant que futurs « pères » ou « mères » et non pas comme futurs employés travaillant dans telle entreprise ou comme appartenant à telle classe sociale.
Les cités se transforment de plus en plus en « villages urbains » avec de nouvelles règles, un sous système politique (Imam, Dealer, etc). Se construit une véritable contre société. L’interconnaissance y est très forte (rendez-vous dans les cages d’escalier, logique d’embrouille, tout le monde sait tout de tout le monde, etc). Tous les individus se connaissent ce qui les protège et ce qui les handicape également à l’extérieur de la cité.

La question du racisme :
Le racisme comporte une dimension sexuelle forte. Le racisme a toujours consisté à émanciper les femmes de la violence sexuelle supposée de leurs hommes.
A l’entrée des boîtes de nuit les hommes ne rentrent pas, alors que les filles ont moins de problèmes. On empêche les garçons d’entrer dans un lieu d’échange sexuel. Ce qui est vécu comme une humiliation et une castration (« mon sexe d’arabe ne peut pas entrer dans cet espace là »).
La féminité dans ce sens protège du racisme. L’identité ethnique devient un atout de séduction (le « charme oriental »). Ce qui n’est pas le cas pour un homme.

Mais ce qui est féminité devient un handicap à l’intérieur de la cité.
Cette émancipation est vécue comme une humiliation. A cela s’ajoute la peur de la trahison (par rapport à leur identité masculine et par rapport au groupe ethnique).
La logique de la Cité va tenter de séparer les femmes de leur féminité (maquillage, jupes deviennent insupportables).

On va alors vivre la sexualité « à l’extérieur » de la Cité (à travers le porno, ou dans les bordels). Il va être tacitement interdit de parler des relations amoureuses à l’intérieur de la Cité.
Il y a une distinction qui se fait entre : la femme-putain blanchisée et celle qu’on respecte et qui vient d’ailleurs (à entendre : d’un autre pays que la France).
Dans un tel contexte, les femmes souffrent de leur désexualisation. Ce qui les rend d’une certaine manière plus intelligente. Elles vont chercher à mettre la sexualité et les relations amoureuses au service de la construction de leur identité (à travers elles se reconstruit l’image de l’homme, différente de celui du garçon de la Cité).

A cela il faudra noter la violence des femmes faites aux femmes : les mères qui demandent aux pères de ramener leur fille sur le « droit chemin ».
En réaction, les filles organisent leur sexualité à l’extérieur de la cité si cela est possible. En ce sens elles acquièrent une capacité d’action beaucoup plus forte que celle des hommes (qui ont une moins grande capacité de réflexivité).

ISABELLE CLAIR

L’intervention repose sur une étude qu’Isabelle Claire a effectuée par entretiens ethnographiques (Dans 4 cités de la Banlieue parisienne). Il s’agit d’entretiens en face à face complétés d’observations de leur vie au quotidien dans leur cité.

Ce travail est en lien avec la problématique des relations amoureuses (hétérosexuelles).

Une question très précise est apparue comme très représentative des relations entre les sexes : l’attribution de mauvaise réputation des filles. C’est à partir de cette réflexion que l’intervention d’Isabelle Clair va s’articuler.

Cette question aborde notamment la question plus large de la domination masculine.
Ce qu’il faut savoir concernant « la Cité » : l’interconnaissance est un phénomène très important d’où le fait que la réputation devient un élément dominant. Ainsi, la question de savoir « qui est une pute » et qui est « une fille bien » est un point clef. Petite précision : quand une fille « a une réputation », cela signifie « une réputation de pute » bien sûr.

Il y a un accord collectif sur ce que veut dire une telle étiquette (« pute »). Il faut voir ce qu’il se trouve derrière cette problématique: Les femmes sont là pour réguler la sexualité des hommes et elles ne sont jamais à la hauteur (c’est aussi pour cela qu’il doit toujours y avoir un homme pour la surveiller). La femme ne doit pas être sexuelle et quand elle l’est cela pose problème. Si elle est sexuelle elle prouve qu’elle est bien la pute que l’on pensait.

Derrière la problématique de « mauvaise réputation » il y a trois points à prendre en compte !


• La Mobilité : Une fille mobile, « qui bouge » : c’est une fille qui cherche (femme qui a une visée sexuelle). Les « filles qui traînent » ont été appelées « traînées ». Sa mobilité physique prouve qu’elle est une pute. Il faut donc la rappeler à l’ordre (en l’insultant, en la catégorisant « pute », etc).


• La tenue vestimentaire : il faut s’habiller comme ci, pas comme ça. Etc.


• La réserve relationnelle : une fille qui parle aux garçons, ou non > joue un rôle dans l’attribution de réputation. Ce qui est compliqué c’est que toutes les filles ne sont pas ramenées à l’ordre de la même manière. Il y a énormément de facteurs qui rentrent en jeu.

Qu’est ce qui fait les vrais ressorts de l’étiquetage ?

1. Ce sont des filles : qu’elles se comportent de telle ou telle manière, qu’elles parlent ou non aux garçons > il y a toujours des soupçons du simple fait qu’elles sont filles.


Il y a un type spécifique de fille, les « Filles bonhommes » (aux attributs masculins). Ni fille soumise, ni fille à « l’européenne ». Elles veulent sortir du piège de la virilité. Ce qui se traduit dans leur façon de s’habiller, de se parler, d’être. Les filles peuvent jouer cette carte là pour sortir de ce jeu des sexes. Un garçon par contre ne se féminisera pas (les garçons de cité sont souvent crispés sur leur virilité).

2. Avoir un grand frère ou pas : très présent dans le discours sur la sexualité (et son contrôle).


Le « grand frère » c’est un rôle. Un cousin ou un oncle peut devenir un « grand frère ». Le fait de ne pas être une « petite sœur » peut poser problème. Pas de grand frère signifie qu’une fille est disponible sexuellement. Le taux de virilité du grand frère est à mettre en relation avec le taux de vertu de la petite sœur. Exemple de Zara, une « petite sœur ». Si son frère a décidé qu’elle n’était pas une salope, elle ne l’est pas. C’est lui qui décrète son « statut ». Il existe, parallèlement à ce « décret » une surveillance par les autres garçons et les autres filles que le grand frère joue bien son rôle (si petite sœur pas vertueuse : amoindrit la virilité du grand frère).

3. Appartenance communautaire


Hiérarchisation à travers la couleur de peau (// articulation avec le sexe). Isabelle Clair explique que cette notion est assez difficile à cerner. Elle a en tout cas perçu que l’appartenance communautaire jouait un rôle dans l’attribution de réputation.

NI PUTES NI SOUMISES :

Surtout vision de « terrain »

> Responsable NPNS Val de marne
Elle s’occupe notamment de la gestion d’appartements relai pour accueillir les jeunes filles victimes de mariage forcé.
Les trois sphères à prendre en compte concernant l’identité / les problématiques de la femme en Cité :

1. Espace privé et familial (tradition, coutume, repère religieux) > adaptation, autocensure

2. Code à l’école. Il faut prendre en compte le fait que si on ne propose pas d’activités pour les filles, si il n’y a pas d’animatrice dans les centres de loisirs (culturels, etc.), il n’y aura pas de filles dans les lieux de vie de quartier.
Elle nous a fait part du besoin des filles d’espaces sécurisés.
A noter : Les codes varient d’un quartier à l’autre. Les filles peuvent jouer avec cet élément > Elles côtoient des garçons d’autres cités. Comme ils ne connaissent pas les mêmes personnes il y a moins de pression. En fait les relations avec les garçons de leur propre quartier sont, en comparaison, plus difficiles.

3. L’espace intime : il existe un tabou sur la sexualité. Même si on peut observer que les jeunes ont des rapports assez tôt et assez libres, la sexualité reste quand même un tabou. La thématique de la culpabilité est assez forte. Le thème du mariage forcé est aussi une question importante.

>Bouchera Azzouz

La question centrale dans le quartier c’est « à qui appartient le sexe des femmes ».
Chez NPNS, le combat c’est de lutter contre cette ségrégation.
Appartenir à l’association « NPNS », c’est difficile à porter pour une femme d’origine arabo-musulmane.
Pour sortir de ces codes : on sort du ghetto.

3 axes clefs pour NPNS: mixité, égalité, laïcité.

En ce qui concerne la laïcité, NPNS considère que l’Ecole est le dernier rempart dans le quartier où les codes qui régulent les relations filles / garçons tendent à échapper quelque peu aux codes de la cité.
Le religieux est venu s’installer en banlieue. En fait les codes du « ghetto » correspondaient bien à ce que certain extrémisme religieux pouvait proposer : institutionnalisation de la ségrégation des sexes (répond à une organisation qui est déjà largement présente comme on a pu le voir). C’est dans ce contexte que se pose la question du voile.

La question du respect est aussi un point clef de leur combat. A cet effet un « guide du respect » a été édité et NPNS organise des interventions en milieu scolaire.
Les drames des viols collectifs sont aussi une de leur priorité. NPNS veulent mettre l’accent sur le fait qu’il s’agit d’évènements constants et réguliers. Ce ne sont pas des épiphénomènes. C’est une réalité en France. Il est donc besoin de campagnes de sensibilisation mais aussi de dispositifs qui permettraient de sortir de ces logiques de violence.

NPNS rappelle que l’endroit le plus dangereux pour une fille c’est sa cellule familiale. Même si c’est un fait choquant, la menace est bien réelle. Il faut donc la prendre en compte.
Les violences conjugales sont des problématiques sur lesquelles travaillent NPNS. Elles aident les jeunes femmes à sortir de la spirale de la violence (étant donné qu’à l’heure actuelle peu d’aides leurs sont fournies pour s’en sortir toute seule).

ANNE MARIE VIOSSAT (MFPF)

MFPF fait surtout un travail d’information sur : la contraception et le corps en général. Il existe également des groupes de paroles (sur divers sujets et en fonction des demandes : VIH, relation garçon-fille, homosexualité, corps). MFPF organise également des interventions dans les établissements scolaires.
Chez MFPF on reçoit différents « types » de jeunes filles:

- Des jeunes filles résistantes au machisme ayant une certaine joie de vivre et qui viennent parfois pour rechercher une contraception

- Des jeunes filles beaucoup moins joyeuses où, quand il s’agit d’une recherche de contraception, arrivent à MFPF après avoir subi des violences. Le but de MFPF est d’aider ces jeunes filles même si il est très difficile pour celles-ci d’exprimer leur souffrance. On cherche principalement à accompagner cette parole.

Focus sur L’expérience de MFPF dans les établissements scolaires :
La parole se libère plus ou moins bien en fonction des classes. Si les questions ne viennent pas facilement, on utilise la technique des papiers anonymes (les élèves posent leurs questions anonymement et MFPF y répond ensuite).


Les questions posées tournent autour de grands sujets: la santé et le corps humain, la contraception, l’IVG, le mariage forcé (avec un besoin d’information sur la loi – qu’est-ce que les filles ont le droit de faire devant une telle situation), les mutilations sexuelles (questions qui ne viennent presque jamais de la part des jeunes filles mais plutôt des garçons qui connaissent des femmes autour d’eux ayant subi ce genre de mutilation), et sur les violences domestiques.

Les interventions ont été suivies de nombreuses questions de la part du public.