mercredi 10 juin 2009

Lutter contre les discriminations ethniques et territoriales à l'embauche.


Le 5 juin dernier, PARI BANLIEUES a convié chercheurs, professionnels et étudiants a discuté des discriminations ethniques et territoriales à l'embauche. Avec Edmond Preteceille, sociologue et directeur de recherche à l’OSC/CNRS, Jérôme Dubus, Délégué Général du MEDEF ILE-DE-FRANCE, et Stéphane Gatignon, maire de la ville de Sevran en Seine St-Denis, nous avons tenté de comprendre le phénomène pour envisager des solutions. Les interventions furent précédées de la diffusion du court-métragé Ma poubelle géante réalisé par l'association 1000 Visages.

Edmond Preteceille, sociologue et directeur de recherche à l'OSC/CNRS:

--> Donne le point de vue des chercheurs sur la question: la discrimination à l'embauche est officiellement reconnue mais on n'en a pas une idée très claire.


Les seules techniques permettant de démontrer l'existence de discriminations sont ponctuelles: témoignages individuels, passages en justice, techniques d’enquêtes-actions (testing).
è Il n'existe pas d’instruments de mesure pour les repérer systématiquement.


Les discriminations sont liées aux caractéristiques sociales et scolaires, il est donc difficile d'identifier le type de discrimination dont sont victimes les jeunes issus de l'immigration.
Caractériser les discriminations ethniques suppose de caractériser les victimes de celles-ci.
==> Il est alors nécessaire d'aborder la question des « statistiques ethniques ».


Mais même avec les statistiques ethniques, l’identification de ces caractéristiques reste compliquée :
1/ les caractéristiques objectives des personnes sont insuffisamment présentes dans les enquêtes: il est par exemple difficile de « repérer » les personnes de 2nd génération. On pourrait le faire si on intégrait des questions sur l’origine des parents, cela commence à être introduit dans les enquêtes mais c'est encore peu répandu.
2/ la caractéristique imputée à la personne (ex: l’appréciation de la couleur de peau) est en général une construction sociale, donc non-objective et difficile à évaluer.


On sait également qu'il existe des discriminations territoriales à il y a des "mauvaises adresses". Mais l'ampleur reste difficile à mesurer. En France, peu d'enquêtes systématiques permettent de répondre à la question.

CCL: Les discriminations ethniques et territoriales existent, mais sont difficile à mesurer, tant sur le plan théorique que pratique. Or sans instruments de mesure, il est difficile de lutter efficacement.


Jerôme Dubus, directeur général du MEDEF ILE DE FRANCE:


--> Dresse un portrait plutôt positif des efforts mis en place par les entreprises pour lutter contre les discriminations et des possibilités qui s'offrent aux jeunes.


1. Il existe des obligations légales: la discrimination à l'embauche est parfaitement interdite (c.f. code du travail). La Halde est un organisme public chargé de repérer et de sanctionner les pratiques discriminatoires.

2. De nombreuses possibilités s’offrent aux jeunes:
- Le remplacement des baby boomers à la retraite (vaut pour les postes de salariés mais également pour les postes à responsabilité).
- l'ouverture de nouveaux secteurs, notamment tertiaires, aux personnes d'une certaine origine.
1er facteur d’intégration : l’intégration professionnelle. Pour Jérôme Dubus, l’entreprise dans son ensemble (moins vrai dans les PME) a fait beaucoup d’efforts pour prendre en compte cette responsabilité citoyenne.


Il Reste aujourd’hui des discriminations contre lesquelles il est beaucoup plus difficile de lutter : l’emploi des séniors (taux d’employabilité des séniors en France le plus bas d’Europe), les employés handicapés, les inégalités homme / femme.
D'après la Halde : la discrimination ethnique concerne 26% des cas, alors que 23% des cas sont liés à un handicap physique.

==> Que fait le Medef face à cela ?

- mise en place d'un plan d’insertion des seniors à il y aura des sanctions s’il n’est pas appliqué.
- en 2006, accord inter-professionnel sur la diversité dans l’entreprise à vise à lutter contre la discrimination à l’embauche et à garantir la diversité.
- dernièrement, 2000 grandes entreprises ont signé un nouvel accord venant renforcé le premier.
- Dispositif nos quartiers ont des talents : coacher les jeunes et leur ouvrir des portes: chef d’entreprise qui parraine un jeune, l’accompagne jusqu’à la signature d’un contrat et permet au jeune d’avoir un carnet d’adresse è tres bon résultats, 300 à 400 jeunes bar + 4-5 placés par an.

NB: Ces dispositifs sont plus facilement mis en œuvre dans les grosses entreprises, mais la crise actuelle ralentie le processus.


- initiative "pas de jeune sans métier, pas de métier sans jeune", s’adresse aux jeunes pas ou peu formés et les aide à trouver des postes en alternance, en CDD ou en CDI. A permis de placer 2500 jeunes dans les entreprises en un an, en association avec le Pôle emploi. Pour Jérôme Dubus, c'est un véritable succès. Sur les 2500 jeunes placés, 500 étaient issus des quartiers sensibles.


Ces expériences sont intéressantes car elles ont permis de mettre en évidence les carences existants des deux côtés (employeur et employé). Pour les Bac +4-5, cela se passe très bien. Mais pour les non ou peu formés, l'insertion dans l’entreprise est en général très difficile (conflit, discipline peu respectée, etc.).


CCL: Malgré la crise, on serait plutôt sur la bonne voie. Des efforts ont été faits de part et d’autre. Il reste un bastion qui est sourd à tout cela, c’est la fonction publique à Il y a encore un verrou à faire sauter.


Stéphane Gatignon, maire de Sevran (93):


--> La question des discriminations est pour lui une question très politique liée à l'augmentation des inégalités, notamment en Ile de France.

Il existe des discriminations ethniques (pourquoi est-ce qu'un jeune d'origine immigrée bac +5 ne trouve pas de boulot?), et géographiques (on ne met pas son adresse sur son CV quand on habite un quartier "chaud").


Dans certains quartiers, le taux de chômage parmis les jeunes atteind 30 à 45% à quasi situation de tiers monde. Situation due à la discrimination mais également à l'asymétrie d'information, aux problèmes d'orientation et de formation. En effet, aujourd'hui dans ces quartiers, le coût des études est un problème.


Pour ce qui est des discriminations ethniques, une véritable révolution culturelle doit avoir lieu. Aujourd’hui, sans une vision de la société qui encadre et qui dise que la diversité et la « culture commune » sont des éléments fondamentaux, comment trouver le moyen de faire que chacun puisse enrichir les autres grâce à son identité particulière?


La discrimination est également liée aux problèmes de transports et à l'a ghettoïsation qui s'accroît. La mégalopole parisienne est un des endroits les plus ségrégé d'Europe. Il faut repenser l'organisation urbaine. Le Grand Paris peut apporter des solutions, mais Mr Gatignon reste inquiet pour le Pôle Sarcelles-Villiers le Belle. Laissé à l'abandon, il craint qu'il ne devienne un autre "banlieue 13".


La révolution écologique peut apporter quelques solutions car elle va créer des emplois.

Aucun commentaire: